Saint Martin de la Mer, le 29 décembre 2003
À M. Bertrand LANDRIEU
Préfet coordonnateur du
Bassin Seine-Normandie
Préfet de la
Région d'île de France
29, rue Barbet de Jouy
75700 PARIS
Objet : Bassins versants du Ternin et Barrage-réservoir de Chamboux
(Côte d'Or et Nièvre), demande de classement en Zone de Protection
pour la qualité des eaux destinées à l'alimentation en
eau potable (article 6, Directive Cadre Européenne sur l'eau n°2000/60/CE
du 23 octobre 2000)
Copies :
M. Pierre-Alain ROCHE, Directeur de l'Agence de Bassin Seine-Normandie
M. Gérard LACAN, sous-Directeur Secteur Seine-Amont Agence de Bassin Seine-Normandie
Secrétariat de la commission géographique Bassin Amont de la Seine (préparation de la DCE)
M.Daniel CADOUX, Préfet de la Région Bourgogne, Préfet de la Côte d'Or
Mme Pascale HUMBERT, Directrice DIREN Bourgogne
Mme Isabelle GIRARD-FROSSARD, DDASS Côte d'Or, Santé-Environnement
M. Pascal RIBAUD, Directeur du Parc Naturel Régional du Morvan
Communes desservies par le barrage
Associations et personnes concernées
Monsieur le Préfet,
Dans le cadre des travaux préparatoires à l'application
de la Directive Cadre Européenne sur l'eau, visant à protéger
la qualité des eaux destinées à l'alimentation en eau potable,
nous avons l'honneur de vous faire part de notre demande d'intégrer dans
le registre des zones à protéger les territoires correspondant
aux bassins versants alimentant le barrage de Chamboux (sur les communes de
Champeau en Morvan, Saint Martin de la Mer et Saulieu), ainsi que le lac de
Chamboux lui-même.
Notre demande s'inscrit dans l'étape actuelle d'application
de la Directive Cadre qui prévoit d'ici la fin de l'année 2004
:
- la réalisation d'un état des lieux,
- l'analyse des caractéristiques des districts hydrographiques,
- l'étude de l'incidence de l'activité humaine sur les eaux,
- l'élaboration d'un registre des zones qui nécessitent une protection
spéciale : zones protégées (article 6), et, de manière
plus générale, de toutes les masses d'eau utilisées pour
le captage d'eau destinée à la consommation humaine, de plus de
10m3/jour.
Le Temin et le barrage de Chamboux sont administrativement
suivis par l'Agence de l'Eau Seine-Normandie (arrêté du 14 septembre
1966) et font partie du réseau de surveillance des eaux de surface de
cette agence*. Notre demande s'inscrit dans les objectifs du Schéma Directeur
et de Gestion des Eaux (SDAGE) du bassin Seine-Normandie (approuvé le
20 septembre 1996) qui vise à obtenir les conditions d'une meilleure
économie de la ressource eau et le respect des milieux aquatiques.
Le barrage-réservoir de Chamboux, un site menacé d'urbanisation.
Rappel Historique.
Situé en limite de la Côte d'Or et de la Nièvre.
le barrage de Chamboux a été construit en 1982 pour permettre
l'alimentation en eau potable de l'Auxois-Morvan, région très
déficitaire en ressources en eau souterraines.
Afin de permettre la réalisation de cette infrastructure,
un arrêté interpréfectoral portant Déclaration d'Utilité
Publique a été signé le 16 juillet 1981.
Outre la déclaration d'utilité publique portant
sur l'ensemble des travaux et procédures nécessaires à
la construction du barrage, l'arrêté de 1981 énonçait
les conditions de pompage ainsi que les mesures de protection visant à
préserver la qualité de l'eau du réservoir.
Ainsi, conformément aux dispositions de l'article
L20 du code de la santé publique alors applicable, il établissait,
après avis de l'hydrogéologue agrée M.Amiot, des périmètres
de protection du réservoir** assortis de servitudes dont la principale
consistait en l'interdiction d'édifier toute construction à l'exception
de celles nécessaires à la production de l'eau potable.
Durant les années qui ont suivi alors même que
la demande en eau potable s'élargissait à plusieurs autres communes
de la région, entraînant de nouvelles adhésions au syndicat
mixte du barrage de Chamboux, la décision a été prise par
ce dernier de diversifier et d'étendre son champ d'activité au
domaine du tourisme, entraînant la création en 1990, dans des conditions
juridiques et financières contestables, d'un camping de 44 emplacements
à l'intérieur du périmètre de protection du lac.
Précisons que, pour ce faire, une modification à
la Déclaration d'Utilité Publique de 1981 a été
apportée le 14 avril 1989, autorisant l'implantation à l'intérieur
du périmètre de protection rapprochée d'un " terrain de
camping et zone de loisirs "; A noter que la rédaction de l'arrêté
comporte une formulation imprécise et ambiguë concernant le rejet
des eaux usées qui, en tout état de cause, ne correspond plus
aux exigences actuelles en matière de protection des ressources en eau.
Ainsi l'article 11 précise-t-il :
" les mesures suivantes seront prises pour la protection du plan d'eau lui même.
- les rejets d 'eau usées, y compris les eaux pluviales seront interdits tant dans la retenue que dans le réseau de surface,
- cependant, si le cas se présente il y aura lieu de rejeter les eaux hors du bassin versant, ou bien de les diriger vers des drains établis dans I 'arène "
Durant l'année 2000, poursuivant l'idée de
faire du site de Chamboux un pôle touristique malgré l'échec
flagrant du camping (dont le déficit cumulé a atteint en 2003
la somme de 1,8 million de Francs malgré le financement subventionné
à 80% de l'investissement de départ de 6,35 millions de Francs),
le syndicat du barrage , nonobstant l'inadéquation de ses statuts à
la vocation touristique qu'il s 'était donnée, a élaboré,
en étroite collaboration avec le promoteur immobilier Pierre et Vacances,
un nouveau projet touristique d'une ampleur considérable puisqu'il prévoyait
l'urbanisation des abords du lac de Chamboux avec la réalisation de 300
résidences destinées à accueillir 1 500 personnes ainsi
que la construction d'un aqua-center ouvert aux résidents et à
l'ensemble de la population de la région.
Le 24 juillet 2002, un nouvel arrêté
interpréfectoral annulait la DUP de 1989 et modifiait une nouvelle fois
les prescriptions relatives au périmètre de protection rapprochée
du lac, autorisant à présent la construction de " résidences
de tourisme, aménagements, équipements et voies de circulation
et de sécurité annexés à ces résidences"
Le 23 septembre 2002, le Comité de défense
du site de Chamboux et des usagers du réservoir d'eau potable du lac
de Chamboux déposait devant le Tribunal Administratif de Dijon une requête
en annulation de l'arrêté du 24 juillet 2002 modifiant la DUP du
barrage de Chamboux.
Le 16 novembre 2002, fort de l'arrêté
du 24 juillet 2002 modifiant la DUP du barrage de Chamboux, la municipalité
de Saint Martin de la Mer arrêtait à son tour le projet de transformation
de son Plan d'Occupation de Sols en Plan Local d'Urbanisme qui prévoit
la modification du classement de 26 hectares situées à l'intérieur
et aux abords immédiats du périmètre de protection du lac.
Jusqu'alors classées en zones naturelles Nc et Nd, les parcelles concernées
passent dans le nouveau PLU en zone à urbaniser AUL destinée à
accueillir le projet de village touristique;
Le 23 avril 2003, le Tribunal Administratif de Dijon,
reconnaissant le bien fondé de notre requête et le caractère
entaché d'illégalité de la procédure que nous contestions,
annulait l'arrêté interpréfectoral du 24 juillet 2002.
Au cours des mois qui ont suivi, le déficit pluviométrique
enregistré au printemps suivi de la canicule de l'été 2003,
a rappelé à tous la vocation de Chamboux: outre l'approvisionnement
en eau de quelques 20 000 personnes réparties sur 4 cantons de la Côte
d'Or ***, et sur quelques communes de la Nièvre, correspondant à
un prélèvement moyen annuel de 900 000 m3, plusieurs communes
de la Côte d'Or de la Nièvre et de Saône et Loire ont sollicité
une connexion au réseau de distribution de ce réservoir.
Ainsi, conséquence des aléas climatiques de
ces derniers mois, le territoire alimenté par le barrage de Chamboux
tend donc à s'élargir de manière très conséquente
(dans un rayon d'environ 50 km, comme en témoigne la demande de connexion
formulée par le syndicat de la Drée, près de Sombernon)
; faisant apparaître de manière flagrante l'importance fondamentale
du barrage de Chamboux en tant que ressource stratégique en eau pour
l'Auxois et pour une partie du Morvan.
Un environnement partiellement classé, remarquable mais fragile
Concernant la richesse naturelle du site, il convient de
rappeler que la région proche du lac, en particulier la commune de Champeau
en Morvan, est parsemée de zones naturelles répertoriées,
(ZNIEFF 0030-001 à 004 : de la prairie de Champeau, de l'étang
Fortier, de l'étang Morin, de l'étang des Hâtes), classées
en zone Natura 2000 du fait de la présence de nombreuses espèces
protégées végétales et animales évoluant
dans des plans d'eau à queue marécageuse et dans des prairies
marécageuses et paratourbeuses.
Le lac de Chamboux installé dans un milieu semblable,
évolue pareillement. Ainsi , Island et Lavault, deux hameaux de Saint
Martin de la Mer, en bordure du lac, sont situés en ZPS (Zone de Protection
Spéciale) relevant de la Directive 92/43/CEE du 21 mai 1992. Cette directive
souligne explicitement que la préservation à long terme de ces
espèces est conditionné par le maintien d'un habitat suffisamment
étendu.
Par ailleurs concernant la fragilité de ce site ,
rappelons que le lac de Chamboux constitue un écosystème lacustre
biologiquement précaire dont la préservation conditionne la capacité
du barrage à assurer sa vocation première, celle d'alimenter en
eau potable un territoire de plus en plus large de la région Auxois-Morvan.
Ainsi :
les résultats d'analyses réalisées sur la qualité des eaux lacustres au cours de la dernière décennie mettent en évidence une tendance eutrophe et une désoxygénation en période estivale.
Le bassin versant du Ternin présente également des caractéristiques indiquant sa fragilité : nappe superficielle limitée, forte sensibilité aux pollutions, eau très peu minéralisée.
Les rapports successifs (AQUA16 de 1991, AQUA18 de 1993, AQUA8 de 1994, AQUA27 de 1999) de l'Agence de l'Eau Seine-Normandie, et en particulier la synthèse des données des retenues du Morvan et de l'Auxois (Grosbois, Pont, Saint-Agnan, Les Settons, Chaumeçon, Pannecière et Chamboux) indiquent une évolution vers la dystrophie (déséquilibre biologique majeur de nature organique) suite à l'eutrophisation de leurs eaux. Ceci se traduisant pour Chamboux, dès l'évaluation de 1991, par une production très importante d'algues, un développement anarchique des bactéries ferrugineuses diminuant fortement la transparence de l'eau et une désoxygénation des eaux profondes.
Sur le plan du traitement des eaux pour la potabilisation, les conditions naturelles amènent déjà à la présence de quantités "limites " d'éléments indésirables (ammonium, manganèse, fer) et à celle d'une biomasse planctonique importante colmatant les filtres dont le traitement pèse sur le processus de potabilisation et par conséquent sur son coût.
Par ailleurs, ces rapports soulignent que, en dépit de la pression anthropique faible, les problèmes présents dans ces plans d'eau portent atteinte également à la qualité des eaux en aval des barrages-réservoirs, notamment du Ternin en aval immédiat de Chamboux : fortes teneurs en ammonium, sous-saturation chronique en oxygène dissous et ce d'autant plus que la prise d'eau par le fond du barrage brasse les sédiments du lac, sédiments soumis à des phénomènes de réduction et comportant de très fortes teneurs en ammonium, fer et manganèse [rapports de l'Observatoire de la qualité des rivières et lacs du Morvan, avril 1999 (synthèse 1993-1997) et novembre 2003 (programme 2002)].
Ainsi toute dégradation supplémentaire affectant
la matière organique des sols, la couverture végétale,
ou résultant de pollutions diffuses ou ponctuelles, peut compromettre
l'état de la ressource.
De la nécessité de bénéficier d'une protection
plus substantielle que celle assurée par les périmètres
de protection traditionnels
Les territoires correspondant aux bassins versants qui alimentent
le lac de Chamboux ont subi, au cours des vingt dernières années,
des transformations parfois importantes dont il est nécessaire aujourd'hui
d'évaluer les effets sur la qualité de l'eau afin, le cas échéant,
de définir de nouvelles mesures de protection de la ressource en eau.
Parmi ces transformations citons :
- l'implantation en 1990 d'un camping dont l'état actuel nous inquiète (délabrement des installations de relevage des eaux usées, rejet d'un trop plein des eaux usées dans le lac, eaux de ruissellement des parkings évacuées dans le Ternin en aval du barrage et non sur la station d'épuration de Saulieu comme le recommandait en mars 1988 l'hydrogéologue agrée. (cf. lettre de notre association au Préfet et à la DDASS de la Côte d'Or du 15 août 2003)
- La présence d'une décharge sauvage en bord d'un ruisseau se déversant dans la rivière de la Prée à Lavault.
- L'installation à Saint Léger des Fourches de caravanes et campings-cars sur le bord d'un étang récemment aménagé au lieu dit de la pâture de la Prée****, dont les eaux se déversent dans le Ternin en amont du barrage.
A noter que ces équipements de camping sont installés au milieu d'une zone non constructible caractérisée par la présence de tourbières excluant totalement la possibilité de réaliser des installations d'assainissement.
Par ailleurs, notons :
- La persistance d'installations d'élevage non conformes
aux obligations énoncées par l'article 10 de la DUP de 1981.
Ainsi dans sa synthèse interannuelle d'avril 1999 l'Observatoire de la
qualité des eaux et rivières du Morvan signale t-il une pollution
organique directe et persistante sur le Temin en amont de Chamboux à
Saint Léger des Fourches (site K16855).
- La présence, sur tout le territoire des bassins
versants alimentant le barrage, de nombreuses sapinières susceptibles
d'être désherbées chimiquement (A noter, en revanche, la
présence à Lavault d'une parcelle expérimentale de désherbage
des sapinières par des moutons, protocole PNR du Morvan/Agence de l'eau
S-N/Chambre Régionale d'Agriculture).
Enfin signalons qu'à ce jour, aucun schéma
d'assainissement des eaux usées n'a été mis en place par
la commune de Saint Martin de la Mer, visant à mettre son territoire
en conformité avec les obligations découlant de l'application
de la Directive Européenne sur les eaux Résiduaires Urbaines (DERU
n°91/271, décret d'application du 10 février 1995).
En conclusion,
Il ressort donc des données résumées
ci-avant que le lac de Chamboux qui constitue une réserve en eau stratégique
pour un nombre croissant d'habitants de la région Auxois-Morvan, risque
de ne pas satisfaire aux normes exigées lors de l'application de la Directive
Cadre Européenne sur l'eau, si une protection accrue de ses bassins versants
n'est pas rapidement mise en place.
En ce sens, nous demandons, afin de voir la ressource préservée,
que, conformément aux dispositions visant à mettre en cohérence
les différents textes applicables à notre territoire en vue de
la protection de l'eau, le lac de Chamboux soit inscrit comme zone protégée
dans le district hydrogéographique et que tous ses bassins versants soient
classés comme zone de sauvegarde pour la protection de la qualité
des eaux destinées à l'alimentation en eau potable, donnant ainsi
un cadre réglementaire pour des opérations de bassin versant.
Vous remerciant par avance de l'attention que vous porterez
à l'examen de notre demande, Je vous prie de croire, Monsieur le Préfet,
en l'expression de notre considération respectueuse.
pour le Comité de Défense du Site de Chamboux
et des Usagers du réservoir d'Eau potable du Lac de Chamboux,
n° 1 Fiche descriptive lac de Chamboux, Observatoitre de la qualité des rivières et des lacs du Morvan
n° 2 Phographie aérienne du lac de Chamboux
* Remarque: il est vraisemblable cependant qu'à l'avenir la gestion
des masses d'eau du Ternin, affluent de l'Arroux, soit rattachée à
l'Agence de bassin Loire-Bretagne
** Périmètre de protection immédiate à l0m, de protection
rapprochée à l00m, de protection éloignée à
300m de la cote de référence 505,70
*** Saulieu, Liernais, Pouilly en Auxois, Arnay le Duc
**** Sans rapport avec la rivière homonyme qui alimente sur Lavault le
lac de Chamboux