Tiens, une route. Disons plutôt
un chemin bitumé, gagné, comme soulevé par
lherbe. Jadore. Donnons vingt ans aux saules et aux
noisetiers, et le goudron sera devenu sable. Je le quitte très
vite, presque à regret, pour retrouver une passerelle en
bois, et les mares. Présence animale à chaque pas :
ici une araignée jaune et rouge inconnue, que jattrape
au passage avec son fil ; là les crottes fraîches
dun renard ; au loin laboiement soudain dun
chevreuil. Le lac est juste derrière les taillis de chênes,
blanc cette fois. Deux grèbes huppés, à quelques
toises, plongent à la recherche de fretin. Au fait, et les
nuages ? Ils se dispersent, et je sèche enfin. Pas pour
longtemps sans doute, car la profusion darbustes, arbrisseaux
et buissons est telle que je suis perpétuellement obligé
décarter rameaux de chênes ou ronces, mini douche
en prime.
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De
la Prée au barrage,50
minutes.
La queue du lac là
où se jette la Prée, un ruisseau évoquerait
presque latmosphère des bayous de Louisiane :
une eau noire, des troncs couchés, une invitation au mystère.
Je cherche en vain la bécassine des marais, qui passe régulièrement
ici la mauvaise saison. Nhésitez pas à loccasion
à vous éloigner du sentier : en suivant un panneau
Info pêche, je tombe sur un presque îlot semé
de chênes, daulnes et de bouleaux.
On a de là une
vue dégagée sur la partie est du lac, et la confirmation
tant attendue : le soleil, victorieux, sort une à une
ses batteries lumineuses. Ne pas oublier de regarder devant soi :
un ragondin a traîtreusement creusé un trou, parfaitement
camouflé par lherbe. Jy enfonce tout droit le
pied gauche !
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Revenu sur le chemin
balisé, je men écarte de nouveau, mapprochant
autant quil est possible du lac : cest parfois
glissant et fangeux, mais quelle vue sur leau ! Les grèbes
huppés ont été rejoints par un couple de castagneux
et trois grands cormorans. Au-delà du pont qui rejoint la
départementale de Saulieu, changement de décor :
bienvenue à la mer ! Je ne plaisante pas. On marche
désormais sur un croissant de gravillon ocre orangé,
une vraie plage où soufflent leau et le vent. Celui-ci
fraîchit et forcit, poussant dinnombrables vaguelettes
sur la petite mer intérieure.
Je mange un morceau tout au bout en bon Robinson le dos contre
les roseaux et lil dans les jumelles. Dans les
plis de leau, dans ses gris, des taches plus sombres :
le lac sest encore peuplé. Aux cormorans et aux grèbes
se sont joints des colverts et un chevalier guignette qui sautille
au ras de leau, à une soixantaine de mètres.
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Plus tard, je remonte
sur le sentier et retrouve les sous-bois, les chênes et,
immédiatement à gauche, des prés humides
où pâturent quelques splendides charolaises. Poil
blanc, poil rosé, ces dames sont musclées, éclatantes
de santé, étonnamment indifférentes. Une
pie fait son possible pour les distraire, passant et repassant
au ras de leurs mufles en criaillant comme elle sait si bien faire.
En pure perte.
Du barrage
au Camping,
1
heure 30
Me voilà au barrage. Un barrage ?
Il est temps, je crois, de vous dire toute la vérité :
ce lac est une création humaine très récente.
On a jugé en 1985 que lalimentation en eau potable
de la région de Saulieu passait par là. Je ne
sais si cétait bien nécessaire, mais franchement,
on redemanderait presque de ces barrages-là. Sauf peut-être
sur la digue elle-même. Un tuyau projette en effet, en
contrebas, un énorme jet dune eau brune et malodorante.
On se pince le nez et on traverse. Sur la rive ouest, je mattarde
moins sous les épicéas.
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